FAUVE - 2024
Au coeur de ce conte, des individus sans âge manient la langue des éléments. Ils suivent les traces rupestres, pistent l’animal, répondent à un mystérieux appel.
Fauve est une ode à la transformation. Aux rites anciens. Aux jeux oubliés. Marquant les ruptures, les passages, les métamorphoses.







« Il y a eu un temps où tu n’as pas été esclave, souviens-toi. Tu t’en vas seule, pleine de rire, tu te baignes le ventre nu. Tu dis que tu en as perdu la mémoire, souviens-toi. Les roses sauvages fleurissent dans les bois. Ta main se déchire aux buissons pour cueillir les mûres et les framboises dont tu te rafraîchis. Tu cours pour attraper les jeunes lièvres que tu écorches aux pierres des rochers pour les dépecer et les manger tout chauds et sanglants. Tu sais comment ne pas rencontrer un ours sur les pistes. Tu connais la peur l’hiver quand tu entends les loups se réunir. Mais tu peux rester assise pendant des heures sur le sommet des arbres pour attendre le matin. Tu dis qu’il n’y a pas de mots pour décrire ce temps, tu dis qu’il n’existe pas. Mais souviens-toi. Fais un effort pour te souvenir. Ou, à défaut, invente. »
Monique Wittig, Les Guérillères






Fauve explore nos liens au Dehors et nos rapports à l’intuition. Il ne s’agit pas d’un élan vers la nature mais vers le vivant. Les êtres et les choses. Le vent, le rocher, le renard. L’altérité.
C’est un appel à réaffuter nos sens. Réaffuter notre écoute. Tendre l’oreille vers ce quelque-chose en nous, inscrit profondément dans nos corps, au fond de nos ventres. Quelque-chose de l’instinct, de l’animalité. Une attention ouverte qui induit d’autres manières d’être au monde et d’entrer en relation.
Cette série s’inspire de Kali, figure mythologique en Inde, incarnant l’idée de transformation. Elle est souvent représentée comme une femme féroce, tirant la langue et portant une guirlande de crânes. C’est la déesse de la destruction. Elle ouvre la voie vers le renouveau. On retrouve cette posture d’affranchissement chez l’autrice Monique Wittig, figure emblématique du mouvement de libération des femmes et pionnière des études de genre. J’ai choisi un extrait de son roman Les Guerillères, où elle décrit la vie, les rites et les légendes d’un groupe de femmes. Ce passage résonne comme une voix-amie dans mon travail.
Parvenir à rendre sensible l’expérience de l’émancipation. Voilà l’intention de ce projet.